Nous quittons Copacabana pour Sorata, un village au cœur de la Cordillère Royale, cette magnifique chaîne de montagnes enneigées que nous admirions depuis l’Ile du Soleil. Elle totalise plus de 600 sommets au-dessus des 5 000 mètres !
Nous prenons au petit matin un bus local dans lequel les gens du coin entassent tout plein de gros fagots sur le toit. Il fait frisquet car il a neigé dans la nuit, les montagnes sont encore toutes recouvertes de blanc.
On en finit pas de longer l’immense lac Titicaca. On a même droit à un passage de bac ! Lorsqu’on quitte notre bus qui continue sur La Paz pour en attraper un autre pour Sorata, on se retrouve au milieu de nul part : sur une route à la hauteur d’un barrage militaire contrôlant le narcotrafic !
On réalise assez vite que rejoindre notre destination ne va pas être facile. La route est très fréquentée mais aucun bus pour Sorata ne passe et rares sont les micros qui s’y rendent. Lorsque par chance on en voit un… il est plein comme un œuf ! Et puis, comme par enchantement, une famille en voiture particulière s’arrête et nous propose de nous emmener ! Royal ! Les paysages sont magnifiques, la famille est sympa, tout roule… Puis la route change radicalement, on attaque la montée d’un col dans les nuages et la descente sur une piste, vertigineuse, vers le bassin de l’Amazone. On sert les fesses et on prie pour arriver entiers ! Après coup, on apprendra dans le Lonely que c’est la « route de la mort » classée numéro 2 dans le pays !
Arrivés sur la place centrale de Sorata, les doyens du village, alignés sur les bancs nous regardent les yeux écarquillés descendre de la voiture. Nous on est tout contents d’être arrivés vivants et de découvrir une bourgade minuscule pile poil sous un glacier !
Tous les prétextes étant visiblement bons pour faire la fête sous ses latitudes, on apprend que c’est jour férié au village, le Corpus Christi. A peine le temps d’essayer de comprendre de quoi il s’agit, que nous voici invités, entre les croix décorées et les tables dressées sur la place, à un apéro accompagné de délicieuses empenadas ! Descendant d’un micro, une dame nous aborde en nous disant qu’elle nous a vu sur la route au niveau du barrage. C’est la propriétaire de l’hospedaje où nous pensions aller !
Elle nous mène à une immense bâtisse coloniale toute décatie. C’est un vrai labyrinthe qui occupe tout un pâté de maison. Toutes les pièces sont ouvertes sur des patios et des jardins, on peut se balader partout il n’y a jamais personne. Il y a des salons remplis de photos de famille en noir et blanc, les meubles ont tous au moins un siècle, des peaux d’anacondas sont accrochées aux murs, notre chambre est gigantesque et décorée de papier peint à la main ! C’est bringuebalant mais charmant. On se rend compte après coup que la pension est même signalée par le Lonely comme la bâtisse historique de première importance du village. Elle appartenait à une riche famille qui commerçait la quinine, un arbuste de la Cordillère utilisé pour lutter contre le paludisme.
Nous passons là deux jours tranquilles à nous balader dans le village. Comme il n’est qu’à 2 670 mètres d’altitude, nous en profitons pour récupérer après 5 nuits difficiles à plus de 3 800 mètres. A part l’incessante ritournelle des combis « La Paaaaaz… La Paz, La Paz La Paz !» (a prononcer en imitant le chant du coq !), la ville est très calme. Elle ne ressemble pas à grand chose avec ses maisonnées en briques mais l’atmosphère qui s’en dégage est paisible.
Sorata est réputée pour être la capitale du trekking mais nous n’y croisons presque aucun touriste à part notre voisin de chambre de Copacabana venu randonner une semaine entre les sommets qui dominent la ville, Illampu (6 421 mètres) et Ancohuma (6 427 mètres). Les agitations politiques de 2003 qui avaient alors complètement paralysé la ville ont peut-être fait chuter le tourisme ?
En tout cas, nous ne regrettons pas d’être venus car cette plongée authentique nous confirme que décidément, nous nous plaisons beaucoup en Bolivie. Et ce sentiment est renforcé lorsque nous quittons le village pour La Paz et que nous longeons à nouveau cette cordillère magnifique.
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